Le Boycott à la portée de tous !

 

Aujourd’hui, quand on n’est pas d’accord, on tire le boycott facilement. Accessible à tous, il nécessite de savoir rassembler le plus grand nombre à sa cause sous peine de faire pschitt.

Un pour tous et tous contre… une marque ! Refuser d’acheter, cela t’est-il déjà arrivé ? Non pas parce que tu es ric-rac financièrement, mais par conviction ? Si oui, tu es loin d’être le seul. Selon un sondage de YouGov en juillet 2020, 4 Français sur 10 auraient déjà dit non à une marque parce qu’elle était impliquée dans un scandale. Refuser d’acheter un produit parce qu’on n’est pas d’accord avec la marque ou ne pas aller voter pour marquer son désaccord avec la politique du gouvernement, c’est ce qu’on appelle un boycott. Très prisée aujourd’hui, cette manière de protester n’est pourtant pas une pratique légale. « En droit français, un boycott est un délit parce qu’il entraînerait une discrimination économique et mettre en péril l’existence d’une entreprise est punissable par la loi. A ce titre, le boycott n’est pas un acte neutre », précise Robert Vinet, directeur de l’agence de communication Media Social Factory.

D’une idée individuelle à une action collective

Le boycott est avant tout une action personnelle. « C’est vraiment une action qui est individuelle, entre soi-même, sa carte bleue et sa conscience, que l’on peut commencer et arrêter quand on veut », confirme Levent Acar, cofondateur de la plateforme de pétition en ligne I-boycott. Ainsi, tout le monde pourrait créer un boycott dans son coin. Mais, pour que le message soit véritablement pertinent et surtout entendu, il ne peut pas être porté par une seule petite voix : « pour qu’il y ait un “impact positif”, elle doit s’inscrire dans une dynamique collective. » C’est ce que Levent Acar appelle « une action individuelle collective. »

Que le boycott soit commercial ou politique, le processus et la finalité restent les mêmes : l’adhésion du plus grand nombre. « C’est ce qu’on appelle la construction d’une bulle cognitive, c’est-à-dire passer de l’idée solitaire de quelqu’un qui veut par exemple faire un site qui s’appelle « mesproblemesaveclafnac.com » à un système où beaucoup de gens se retrouvent impliqués dans cette complainte », explique le directeur de Media Social Factory.

 

Le secret du boycott ? La viralité

Alors, comment passer d’une voix unique à un plusieurs voix ? Par les réseaux sociaux ! Pour Robert Vinet, expert en communication, il existe deux solutions pour faire connaitre son idée sur la toile :

1) créer du contenu original que les internautes découvriront au hasard et

2) utiliser les relais de communication classiques pour étendre sa diffusion.

Et les deux solutions ne sont pas incompatibles : « Prenons le cas du boycott du rappeur Roméo Elvis à travers le #balancetonrappeur. L’étincelle vient d’une story postée par une jeune femme sur son compte Instagram. Elle réunit les deux critères indispensables : une cause forte, l’agression dont elle aurait été victime, et une communauté engagée pour relayer sa citation. »

Le boycott peut notamment s’appuyer sur les hashtags pour espérer être diffusé par le plus grand nombre d’internautes, comme #BoycottNike en 2016 ou encore #CancelNetflix en septembre 2020 contre le film “Mignonnes” aux USA. La cause défendue ? L’hyper sexualisation d’enfants dans certaines scènes. « Ce hashtag s’est d’abord diffusé auprès des gens qui étaient sensibles à l’idée d’arrêter leur abonnement mais qui n’étaient pas geeks de la plateforme. Les adeptes auraient été plus difficiles à convaincre dès le départ. Ensuite, c’est marabout, bout de ficelle et selle de cheval. »

Le pouvoir des influenceurs pour soutenir une cause

Quand un boycott est pris par des influenceurs, il a également plus de poids. Il peut être par exemple porté par des stars. En septembre dernier, Kim Kardashian et d’autres célébrités dont Leonardo di Caprio ont gelé leurs comptes Instagram et Facebook pendant 24h pour interpeler le siège au pouce levé sur le manque de régulation des discours haineux sur ses plateformes. L’occasion de redonner du souffle à la campagne #StopHateForProfit qui luttait avec plus ou moins de succès depuis juin pour que Mark Zuckerberg change sa politique de modération sur ses plateformes.

Il peut également être mené par des personnalités politiques. En Turquie, le président Erdogan a appelé son peuple à cesser d’acheter des produits français avec le #BoycottFrenchProduct pour protester contre les propos d’Emmanuel Macron concernant le droit à la caricature en France. De son côté, le député européen Raphaël Glucksman a lancé dès octobre dernier un puissant mouvement international de contestations contre la persécution des Ouïghours en Chine avec le #FreeUghur et l’appel à partager sur Instagram un carré bleu aux couleurs du peuple.

Quel que soit le boycott lancé, il est important de contrôler la véracité de la cause défendue car elle peut parfois reposée sur de fausses informations ou des préjugés. Nestlé a fait les frais en 2016 d’un boycott suite à une idée préconçue sur la qualité de son lait en poudre vendu en Afrique : les habitants convaincus qu’il était composé d’eau insalubre et donc très néfaste pour la santé des enfants ont cessé de l’acheter. « Pourtant, on n’a jamais vu de bébé mort d’avoir bu du lait et pourtant quand je pense Nestlé, j’ai moi-même ce préjugé », explique Robert.

Par Saskia Hatier, le 17 novembre 2020

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